Oui, il est actuellement interdit d’ouvrir une boulangerie le 1ᵉʳ Mai, mais le procès de quatre artisans vendéens et la prise de position du gouvernement pourraient changer la donne dès l’été 2025. En France, la fête du Travail est le seul jour férié où la plupart des commerces doivent rester fermés ; les boulangers qui passent outre risquent jusqu’à 750 € d’amende par salarié. Le débat, relancé le 25 avril 2025 au tribunal des Sables-d’Olonne, pourrait déboucher sur une nouvelle loi autorisant l’ouverture encadrée.
Pourquoi le 1ᵉʳ Mai est-il (encore) interdit aux boulangeries ?
Depuis 1986, la boulangerie bénéficie d’une dérogation permanente pour ouvrir les dimanches et jours fériés… sauf le 1ᵉʳ Mai. Cette exception figure dans l’article L 3133-4 du Code du travail, qui classe la fête du Travail comme « repos obligatoire » au nom de la protection des salariés. Aucun texte n’a, depuis, accordé de passe-droit à la profession malgré plusieurs tentatives parlementaires. Résultat : un seul jour de fermeture forcée qui pèse lourd pour les artisans installés en zone touristique ou en bord de plage.
Le procès des quatre artisans vendéens : faits, risques d’amende et chronologie
Le 1ᵉʳ mai 2024, quatre boulangeries de la côte vendéenne (Saint-Gilles-Croix-de-Vie, Les Sables-d’Olonne, Talmont-Saint-Hilaire) ont ouvert leurs portes « comme chaque année ». Un contrôle de l’Inspection du travail a conduit à la convocation des gérants devant le tribunal de police ; l’audience s’est tenue le 25 avril 2025. Les boulangers encourent 750 € par salarié présent et des dommages-intérêts éventuels au profit des syndicats plaignants. La décision est mise en délibéré au 6 juin 2025.
La position du gouvernement : ce qu’a annoncé la ministre du Travail
Interrogée à l’Assemblée le 24 avril, la ministre du Travail a jugé « incohérent » de laisser les boulangers fermer « alors que les fleuristes et supermarchés peuvent vendre du muguet ». Elle propose d’inscrire, avant l’été, un amendement au projet de loi sur la simplification économique :
- autorisation permanente d’ouverture le 1ᵉʳ Mai ;
- compensation salariale obligatoire (100 % de majoration ou repos) ;
- déclaration préalable en mairie.
Un groupe de députés transpartisan prépare déjà le texte.
« On a toujours pétri le 1ᵉʳ Mai » : voix des artisans et de la Confédération
« Mon fournil tourne, la clientèle est là. Pourquoi fermer ? » s’indigne Théo, boulanger aux Sables-d’Olonne.
La Confédération nationale de la boulangerie-pâtisserie (CNBPF) soutient les prévenus : selon son président, 8 boulangers sur 10 souhaitent pouvoir travailler le 1ᵉʳ Mai. Les syndicats de salariés, eux, craignent un précédent qui pourrait « banaliser » la fête du Travail. Plusieurs salariés interrogés y voient cependant un bonus de salaire doublé bienvenu.

Impact économique et social : chiffre d’affaires d’un jour férié & rémunération double
Pour une boulangerie de centre-ville, le 1ᵉʳ Mai représente en moyenne 6 % du chiffre d’affaires mensuel de mai, selon la CNBPF. Sur les zones littorales, la proportion grimpe à 10 % grâce au tourisme. Côté emploi, ouvrir une journée fériée implique l’embauche de deux à trois vendeurs supplémentaires, rémunérés double ou récupérant un jour de repos équivalent. Les associations de commerçants locaux estiment qu’une ouverture légale générerait 400 000 € de retombées sur la saison 2025 rien que pour la Vendée.
Scénarios de réforme : comparaisons européennes et prochains rendez-vous législatifs
- Espagne et Italie : aucune restriction le 1ᵉʳ Mai pour les boulangeries, mais majoration salariale obligatoire.
- Allemagne : Länder libres de fixer des dérogations ; Berlin autorise l’ouverture sous condition d’effectif réduit.
En France, trois options sont sur la table :
- Dérogation permanente via le Code du travail.
- Autorisation locale laissée aux préfets.
- Roulement obligatoire (un jour de fermeture compensatoire la même semaine).
Le calendrier envisagé : examen en commission fin mai → vote à l’Assemblée mi-juin → adoption définitive possible avant le 14 juillet 2025.
Ce qu’il faut retenir
- Le 1ᵉʳ Mai est le dernier jour férié où les boulangers sont tenus de fermer.
- Quatre artisans vendéens jugés le 25 avril 2025 pourraient créer une jurisprudence.
- Le gouvernement promet un texte d’assouplissement avant l’été 2025.

Camille Honoré est journaliste depuis plus de dix ans, diplômée du Centre de Formation des Journalistes de Paris. Passionnée par les métiers de bouche, elle s’est spécialisée dans l’actualité de la boulangerie et de la pâtisserie après avoir passé un CAP Boulanger en candidat libre « pour comprendre le métier de l’intérieur ». Après un passage par France Bleu Loire-Océan, elle rejoint la rédaction de Meinado.fr, où elle décrypte chaque semaine les tendances pain, les évolutions réglementaires et les success stories d’artisans. Quand elle n’est pas dans un fournil à prendre des notes, Camille anime des ateliers d’éducation au goût dans les écoles primaires et sillonne les marchés français à la recherche de la meilleure baguette tradition.